- Pierre-Jean Launay, « Le poète Fagus meurt écrasé par un camion automobile », Paris-soir, 11 novembre 1933, p. 3 :
A deux jours d’intervalle, deux poètes nous quittent, deux ombres. Fagus, l’auteur de la Danse macabre, de Frère tranquille, Fagus, le poète de la mort, a rejoint dans l’au-delà le chanteur des Soliloques du pauvre : Jehan Rictus.
Fagus, de son vrai nom, Georges Faillet, est mort, mercredi soir à dix heures, à l’hôpital de la Charité où il avait été transporté quatre heures auparavant, à demi écrasé par un camion qui le happa comme il sortait de chez lui pour aller acheter, à son habitude, un journal du soir.
Fagus avait 61 ans. Il était né le 22 janvier 1872, à Bruxelles, où son père avait dû s’exiler après la Commune. Employé à l’hôtel de ville jusqu’en février dernier où il obtint sa retraite, c’est dans ce coin du vieux Paris et aux abords du Quartier latin dont il ne s’éloignait que rarement qu’il composa tous ses ouvrages.
Fagus fut un des vrais et grands poètes indépendants de notre époque, un talent d’une foncière originalité. Arrivé dans les lettres en plein symbolisme, il se dégagea très vite de toute influence pour trouver son expression personnelle.
Très croyant, très pratiquant, il comptera parmi les rares poètes chrétiens de notre temps.
Ses livres : les Éphémères, Pas perdus, Ixion, la Danse macabre, la Guirlande à l’Épousée, Frère tranquille ; ses chroniques au Correspondant, au Mercure de France, aux Marges où ses « quiqu’engrogne » avaient un tour sarcastique si personnel ont toujour donné une note chaque fois inédite et faite d’un accent qui n’appartient qu’à lui.
Le talent de Fagus fut fait d’élans lyriques, d’une ironie sans méchanceté qui trop longtemps ne fut goûté que de rares lettrés. Ces dernières années seulement, il reçut d’un plus large public le juste hommage qui lui était dû, hommage, d’ailleurs, dont il n’avait cure et qu’il plaisantait sans fausse modestie avec les amis en buvant son « petit rouge » dans quelque bistrot de la rue Saint-André-des-Arts ou du carrefour Buci.
Il s’en va à l’entré des mauvais jours, à la veille de décembre où les poètes fêtèrent avec lui le Sacre des Innocents :
La neige tombe à gros flocons :
C’est les anges qui font un nid
Pour y étendre le poupon
Que porte la Vierge Marie…