Publié en 1920 à la Belle Édition.
[32 p].
Un avertissement : « Sous ce titre « Futile » M. François Bernouard composa naguère, en vers libres, un poème d’amour qui nous parut si agréable que nous tentâmes l’expérience de le traduire en vers contraints, aussi littéralement que nous pûmes. Et voici notre version, pièces pour un procès que les gens de goût souhaiteraient voir ne jamais finir. / F. »
Le livre et la critique :
- Orion, « Le roman de Futile », L’Action française, 20 octobre 1920, p. 4 :
Quand le poète François Bernouard — c’était en 1911 — perdit l’amour de celle qu’il avait nommée Futile, il chanta. Sa chanson terminée, il mit lui-même ses poèmes en route sur la presse à main de la rue des Saints-Pères. Petit livre, de format carré, c’est : Futile — roman — suivi des Regrets à Futile — dédiés aux beaux esprits de ce temps par l’auteur. Qui se trouve à la Belle Édition.
Bernouard se loue d’avoir été le premier avant Guillaume Apollinaire, à imprimer des vers sans ponctuation. Il dit que ces vers doivent présenter chacun un sens assez complet pour se pouvoir absolument passer de toute virgule, à la manière d’une inscription. Cependant, leur style, au lieu d’une fermeté romaine, avait cherché et caressé plutôt ce vaporeux et cet intérêt qui sont trop souvent les marques de la poésie contemporaine.
Alors, Fagus, le bon Fagus, l’irascible et délicat Fagus, le fougueux Fagus, de se mettre en colère. Il dut se dire qu’un bel amour ne servait de rien à un poète s’il ne lui inspirait des chansons bien cadencées. Et, reprenant les poèmes dénoués de Bernouard, repassant par les mêmes sentiments qu’il retrouvait dans son cœur d’homme, usant autant que possible des mêmes mots, il les mit en « vers contraints ». Depuis longtemps écrits, ces vers, ils viennent seulement d’être réunis. C’est toujours à la Belle Édition, Le Jeu-Parti de Futile…
Voici la différence, dès la première page. Ainsi rêvait Bernouard :
Et jouaient des instruments
Qui ne sont plus aujourd’hui,
Lors vibraient des sentiments
Hélas qui sont mort depuis.
Et Fagus, en manière d’épitaphe pour Bernouard :
— Il jouait sur instruments
Qui ne sont plus aujourd’hui
Et vivait de sentiments
Que je dis morts avec lui.
Vous voyez. Ça n’a pas l’air difficile. Un mot déplacé, un mot changé par-ci par-là. Nous en reparlerons.
- Les Treize, « Les Lettres », in L’Intransigeant, 9 novembre 1920, p. 2 :
L’auteur a repris le thème du poème de M. François Bernouard, poème écrit en vers libres, et l’a traité en vers « contraints ».
Divertissement de virtuose érudit ? Centons ? Non, mieux que cela. M. Fagus s’est pris à son propre jeu. C’est une émotion personnelle, très pénétrante, très fine, qu’il a évoquée, un très ancien regret qu’il a exhumé pour les examiner dans le cadre du « roman » de M. F. Bernouard.
A la mode d’autrefois, M. Fagus a écrit l’épitaphe de M. Bernouard :
— Il jouait sur instruments
Qui ne sont plus aujourd’hui,
Et vivait de sentiments
Que je dis morts avec lui.
Quelle épigramme — juste retour… — M. Bernouard gravera-t-il sur la pierre tombale de M. Fagus ?