1926 : Pas perdus

Publié en 1926 aux éditions Le Divan, « Les Quatorze ».
146 p.

 

Table des matières :

Dédicace
Éphéméride
Sans date : À quoi bon ?
L’esprit du haut de l’escalier
Printemps Lorrain
Et la ville !
Éphémérides
Mais ne te promène donc pas…
De quelques rêves
Récurrence
Zigomar
La revanche de Zigomar
Danse macabre
Trait historique
Télépathie
C’est la faute à Claudel
Outre-tombe
Pour la bonne bouche
Confession au Dr Cabanès
Un plagiat éhonté
Brindes
Rachel, quand du Seigneur…
Dioscures
Ovigny
Sous la foule
Cas de conscience
Sous la voûte d’un pont
Éphémérides
Propos d’un profane
D’un vol fameux
Le supplice du feu
Du pont des Arts, balcon de Paris

 

Le livre et la critique :

  • Pierre Arrou, Le Divan, mai 1926, p. 237 :

Fagus, c’est le hêtre, « arbre de haute taille, dit la botanique, à rameaux soyeux, à feuilles glabres et polies, qui fait, avec le chêne et les conifères, le fond des forêts de la France ». Le fond des forêts de la France… livrons au poète, qui tant aime, malicieux, à grappiller chez le voisin, ce magnifique octosyllabe digne de terminer une ode. Ce ne sont point des vers que les Pas perdus nous apportent, mais un amusant mélange de tableaux de Paris spirituellement crayonnés, de récits de rêves abracadabrants, de souvenirs, de notations, le tout semé de pointes ironiques et de réminiscences littéraires, et d’originales trouvailles de mots et d’idées, en bref un vrai régal et pour tout dire : du Fagus.

  • Orion, « Fagus chroniqueur », L’Action française, 16 juin 1926, p. 4 :

Il y a des écrivains qui administrent l’expression de leurs pensées avec une véritable avarice. D’une seule idée, ils vont tirer tout un livre, non pour l’avoir creusée en profondeur, mais pour l’avoir étirée, monnayée. Et d’autres dépensent royalement. À tout propos, ils découvrent leurs trésors.
Ainsi Fagus. Où quelque autre s’acquitterait par quelque morceau de chroniquette plus on moins pourléchée, lui nous baille une belle pièce de prose où percent à l’envi, bien qu’à l’unisson, une demi-douzaine de têtes aux yeux bleus, à barbe blonde, signées Fagus : une tête poétique, une tête philosophique, une tête charitable, une tête gamine, une tête pittoresque, une tête gaie, qui s’entend à rire,une tête triple, qui a bien pitié de ses frères, les hommes.
Ces remarques nous viennent en marge d’un nouveau recueil, Pas perdus, qui vient de paraître au Divan, et Fagus s’y promène à travers Paris, monologuant. Paris, dans les textes de Fagus, est une ville étonnante, dont la planète est la banlieue et le firmament la vallée. Nous passons d’un paysage à un songe du sommeil, d’un souvenir de la grande histoire à cette anecdote inconnue, du coin d’une place à un battement de cœur, et de ce dernier à quelque verte et gaillarde plaisanterie, que son sel, quelquefois son poivre et son salpêtre, n’empêchent pas d’être pleine de sens.
Une portée d’esprit singulière, tournée vers le détail des choses, mais pour le situer et retrouver le tout dans la partie. Une langue des plus belles, non pas attique, mais dans l’autre tradition (qui va au moins de Montaigne à Huysmans et n’a pas laissé de tenter un Sainte-Beuve). Une langue allant, revenant, imagée, coulée dans tous les plis du cerveau, nuancée jusqu’à la manie, et puis rapide comme la foudre, contrastée, savoureuse, diverse comme un champ de blé lorsque le vent l’agite au soleil, avec ses fleurs.
Entre tant de pages magnifiques, nous recommandons en particulier l’histoire — par lui-même — de ce qu’il appelle ses plagiats.
Nous sommes de l’avis de Fagus en ce qui concerne le démarquage, qui est toujours vil, Quant aux plagiats, il y a d’une part les siens, puisqu’il le veut, qui sont ou des citations ou des dérivations recréées. Les pièges à loup de Pierre Benoît procèdent du même type, varié par l’ironie. Mais il y en a d’autres, qu’inspira le seul désir de s’approprier le bien d’autrui en le maquillant, pour rester impuni. Dans le même ordre d’idées, il y aurait lieu de distinguer l’imitation, effet d’une influence légitime, avouée, fertilisante, et la singerie qu’un auteur fait d’un autre pour avoir part à ses succès, ou les lui ravir, à l’occasion. Les publics littéraires de l’ancienne France étaient plus prompts que nous à définir et déjouer ces fraudes.

  • Les Académisards, « Les livres lus », Paris-soir, 22 juin 1926, p. 2 :

C’est un délicieux livre de flânerie. M. Fagus déambule, une anecdote, un refrain ou une fleur à la bouche, bon enfant diverti, souriant, s’apitoyant.
On croirait par moments lire des notes de Lélian, à d’autres, du Boissard des jours où la dent est un peu molle.
Le plus curieux du recueil est, sans aucun doute, la contribution à l’étude des rêves. M. Fagus y transcrit plusieurs rêves, où il lui est arrivé de composer des vers, ceux-ci, par exemple, que M. Lucien Dubech est censé lui adresser, tandis qu’il se croit Agamemnon :

Mon trou du… Seigneur, est là qui vous adore :
C’est pour vous qu’il soupire et pour vous qu’il odore.

« C’est infect, conclut Agamemnon, — pardon ! Fagus réveillé, — pourtant, il faut avouer que du point de vue matériel, jamais Dubech, ni moi, ni Racine, n’avons commis de vers ,aussi purement raciniens. » Très vrai, mais Racine est de trop.

  • Les Treize, « Quelques livres nouveaux », L’Intransigeant, 24 juillet 1926, p. 6 :

Notes, flâneries, rêves, souvenirs, entremêlés d’enthousiasmes, de saintes colères, d’ardentes indignations. Le journal d’un poète. Ces pages, dont la plupart ont vu le jour au « Mercure de France », à la « Revue critique », aux « Marges », à « Pour le plaisir », ailleurs encore, sont de qualité : M. Fagus a vu, bien vu, humé, goûté, réfléchi, jugé et jaugé. Signalons au moins une série de notations qui fournirait une précieuse contribution à l’étude de la psychologie du rêve, et une page sur le printemps en Lorraine qui fait songer à celle de Chateaubriand sur le printemps en Bretagne : cela est peint.

  • Jean de Gourmont, Mercure de France, 1er décembre 1926, p. 420 :

Ces Pas perdus de Fagus, quelle perfection dans la simplicité et dans la sincérité — sincérité de langue et sincérité de pensée : « Vous voulez faire entendre qu’il pleut ? Écrivez qu’il pleut. » Oui, mais il y a tout de même la manière, et toutes les pluies ne tombent pas en hachures d’eau-forte comme cette pluie de style qu’est la langue de Fagus. La matière du livre ? Une sensibilité qui se cristallise et s’enrythmise intellectuellement.
Regardons avec nos yeux myopes ce que ce poète a su voir avec ses yeux d’insecte de génie.

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