- [anonyme], « Courrier des Lettres et des Arts », Je suis partout, 18 novembre 1933, p. 5 : :
La Muse et le P.T.T.
Il y a, de toute évidence, incompatibilité entre la science, l’érudition, la poésie et l’automobilisme. Déjà, le pauvre Curie, qui pensait au radium sur le pont du Vert-Galant, fut réduit en chair à pâté. Dorchain, cornélien, s’en alla en terre sous l’automobile jumelle d’une firme de romans barrésiens. Et voilà Fagus qui est happé, rue Visconti, par un camion. Il revenait d’acheter son journal du soir. Il pensait à son article, à ses boutades pour Les Marges. Le voilà en marge ! Fonctionnaire à l’Hôtel de Ville, ce curieux homme envoyait à ses amis des espèces de gloses, dont il rédigeait l’adresse en vers.
Exemple :
Ceci est pour Brousson, Jean-Jacques,
Qui fera un jour ses Pâques,
Car il a le don latin,
Du divin.
L’acteur syndiqué ou bien libre
Ne délivre pas ce livre
Pour un pauvre verre de vin, etc., etc…
Joviale coquille
Dans Les Marges, Fagus s’était déclaré « réac » et calotin. Un typo facétieux imprima : « Cabotin. »
— Et pourquoi non ? remarque Fagus dans un suprême article. Tout homme de lettres n’est-il pas plus ou moins cabotin, dès qu’il signe ?
La loterie
Dans la même suprême chronique, on trouve un articulet de Fagus sur la loterie du père Ubu :
« J’aime en soi la loterie, écrit-il en marge des Marges, et particulièrement la paternelle loterie royale, ce loto en grand où, selon son rêve de la nuit, selon ses sublimités mathématiques Balthazar Claès peut-être misa ; où la mère de Philippe Bridau nourrissait son terne ; mais celle-ci, brutalement bancaire, telle que dès le début les marchands de contremarques l’agiotaient, ne mérite nulle sympathie… »
Le pauvre Fagus, quand il écrivit cet article, avait un peu chopiné. Dans ce chef-d’œuvre de Balzac, Un ménage de garçon, ce n’est pas la mère de Philippe Bridau, mais la tante, qui nourrit un terne. Et son neveu, le demi-solde, qui a porté les ordres de l’empereur à la bataille de Waterloo, a chipé dans sa pauvre paillasse l’argent du billet gagnant. La joueuse obstinée misait depuis trente ans sur le même terne : « II finira bien sortir ! » répétait-elle.