1927 : Le Sacre des Innocents

Publié en 1927 aux éditions François Bernouard, « L’Horloge ».
[26 p.]

Le livre est dédié « À / Tristan Klingsor / et / Léon Deffoux ».

 

 

Le livre et la critique :

  • Les Méridiens, « Les Lettres », Le Siècle, 6 juin 1927, p. 2 :

L’un des plus authentiques poètes de notre temps, Fagus, que notre ami Elie Richard présentait naguère ici, en un de ses « Visages de Paris », publie sous ce titre, et dans la belle typographie de François Bernouard, des poèmes inédits, dont le plus inédit est cette dédicace à l’un des « Méridiens », datée du Jeudi Saint, et tracée de sa main sur la page de garde :

Cœurs qui déraillent,
Cerveaux blessés
Et funérailles
Des désaxés,

Ce soir, ô Christ,
Tu voulus là
Que nous assiste
Jusqu’à Judas ;

L’heure se hâte,
À moi permets
N’être jamais,
Ponce-Pilate.

  • Les Treize, « Quelques livres nouveaux », L’Intransigeant, 15 juillet 1927, p. 6 :

Le premier de ces poèmes est un fragment du Massacre des Innocents, ouvrage qui, dans la pensée de Fagus, doit prendre place au début de son œuvre; et la Ballade Saint-Côme fut offerte au Dr Auguste Fournier, « pour tout l’Hôtel-Dieu et les autres hospitaliers, par Fagus ». Quel que soit le sujet traité par ce poète il y met assez d’humanité pour qu’il devienne un thème à toutes les grandes rêveries. Ses vers sont tour à tour candides et tourmentés, pleins de science et d’exquise naïveté : ils résonnent à l’unisson de son âme.

  • André Fontainas, « Les poèmes », Mercure de France, 1er septembre 1927, pp. 400-401 :

Fagus, « l’homme du moyen âge », et, sans doute, le frère par l’inspiration de François Villon ou mieux d’un Ruteboeuf, ne dédaigne point tant qu’il le donnerait à croire la Renaissance, témoin ses études ardentes sur Shakespeare, ni les temps modernes, car, en frontispice au bel exemplaire qu’il m’offre, Noël chez les Petits Anges ou le Sacre des Innocents, il prend soin de reproduire une littérale et subtile transcription, dans sa droite, claire et décorative calligraphie, du « fameux » comme il dit, « sonnet bleu… d’après Oscar Wilde ». — Mais aussi, l’affirme-t-il du moins, « Keats et Rimbaud deviennent bons chrétiens » :

O bleu, sublime bleu, fanfare en nous de Dieu,
O, l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! »

Ce poème, Le Sacre des Innocents se compose de « fragments du Massacre des Innocents :

— La neige tombe à gros flocons :
C’est les anges qui font un nid
Pour y étendre le poupon
Que porte la Vierge Marie.

Toute la verve de bonhomie, de ferveur, l’élan d’imagination tendre et dévote de ce poète si extraordinaire, si particulier en notre époque, montent, évoluent, chantent, se replient et s’épanouissent à nouveau selon les rythmes variés de ce cantique ingénu d’apparence, de forme en vérité complexe et très savante. Le primesaut simple, voulu, maintenu simple par une continuelle ardeur de volonté, fait rencontre d’ineffables beautés et de suaves effusions, qui se mêlent tout naturellement, à tant de familiarité, d’un tout spontané jaillissement. Fagus est bien, à proprement parler, un inspiré, je mettrai, pour lui faire plaisir, de Dieu ; je pense, au fond de moi-même, d’Apollon et des Muses.
Quant à la Ballade Saint-Côme, « offerte à Monsieur Auguste Fournier pour tout l’Hôtel-Dieu et les autres Hospitaliers », avec, en épigraphe, le célèbre mot d’Ambroise Paré : « Je l’ai pansé, Dieu l’a guéri », et dont, à peu près, il fait le refrain :

Je l’ai pansé, Dieu veuille le guérir !…

c’est une des mieux menées parmi les nombreuses ballades qu’on ait écrites depuis que Banville a rendu à cette forme de poème quelque faveur.

  • Louis Mandin, Les Marges, novembre 1927, pp. 191-192 :

Et puis, voici notre ami Fagus, Fagus le bon poète, échappé au moyen âge plein de piété et de gaillardise. Fagus adore Villon (il me l’a déclaré) il n’aime pas Lamartine. Moi, j’aime profondément certaines inspirations de Lamartine, ce qui ne m’empêche pas d’apprécier hautement Villon et Fagus. La prédilection de celui-ci pour celui-là paraît si bien dans sa Ballade Saint-Côme qu’il nous donne vraiment l’illusion de lire l’amant de la grosse Margot. Mais c’est du Fagus tout de même, car il sait encore rester quelqu’un, tout en se déguisant sous l’habit d’un autre.
Dans son Sacre des Innocents aussi, il s’amuse à copier. Quoi ? Les bonnes vieilles rondes populaires et enfantines d’autrefois. Mais il le fait à sa manière, en les enveloppant de sa verve, à la fois joyeuse et douloureuse, car Fagus sait faire du joyeux dans le triste comme un autre faisait du beau dans le laid, et c’est même dans ce mélange qu’est le secret de sa charmante et puissante originalité.
Se souvient-on qu’il a récemment confié aux lecteurs des Marges qu’il ne lui déplairait pas d’arborer un petit ruban rouge ? Je m’étais imaginé que Fagus faisait partie de ces isolés qui se contentent de se décorer eux-mêmes. Mais si, comme c’est son droit, il veut du ruban, j’espère qu’il ne se trouvera pas un ministre assez sot pour hésiter à le satisfaire. Il n’y a rien à craindre à le décorer, car par son talent il mérite la croix, et il est du petit nombre de ceux qui sont incapables, soit de l’acheter, soit de la vendre.

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