- [anonyme], « Une page touchante sur Fagus d’un poète de Madagascar », Comœdia, 14 février 1934, p. 3 :
Un journal de Tananarive, Le Colonial et le Malagasy réunis, publie un fragment du « journal inédit » tenu par son collaborateur J.-J. Rabearivelo. Ce fragment a trait à la mort brutale de Fagus. La fille du journaliste étant morte huit jours avant le poète, c’est, pour M. Rabearivelo, l’occasion de commentaires d’une émotion singulière et puissante. Citons :
Je me rappelle tant de choses, non sans amertume.
Mais je songe surtout amèrement à cette triste évidence que, mort une semaine à peine après Voahangy, Fagus n’aura pas été touché par le faire-part !
Il est vrai que, si l’on en croit l’ardente foi chrétienne du Poète, tous deux ils se voient, en ce moment, au Paradis du Père.
Voahangy l’aura attendu à l’orée d’une prairie sans fin et lui aura tendu ses menottes roses. A moins que, n’étant en somme qu’une « fragile voyageuse » (comme je me le chante depuis son grand départ), ma fille n’ait été rejointe en chemin par Fagus. Celui-ci l’aurait alors prise dans ses bras, et l’aurait aidée à franchir le désert sidéral…
Pauvre Fagus ! Heureux Fagus plutôt — pour nous autres qui mourons maintenant de ne pas mourir ! Quelle ressource nous reste-t-il contre notre double malheur, sinon celle de moduler ce sizain inédit que tu nous envoyas à propos, précisément, de la naissance de Celle dont tu n’auras pas appris la mort et que tu auras rencontrée pour la première fois sur les rives de la Survie :Toute fleur, si belle soit-elle,
N’est en soi qu’une seule fleur ;
Se veuille autre fleur sa jumelle
Ce n’est encor que frère et sœur.
Mais qu’une troisième se mêle,
C’est tout un bouquet.
Comment ne pas rapprocher cette phrase : « Nous autres qui mourons maintenant de ne pas mourir ! » du vers admirable de la comtesse de Noailles :
Et la plus morte mort est d’avoir survécu.