- [anonyme], « Frère Tranquille », L’Œil de Paris, 11 novembre 1933, p. 5 :
Décidément les autos en veulent aux poètes. Après Auguste Dorchain, voici Fagus, le bon Fagus. Sortant de chez lui, il est renversé par un camion. Quelques heures après il expire à l’hôpital. Fagus ! L’auteur de La Guirlande à l’épousée, de Frère Tranquille, qui avait une bonne tête hilare de moine du XVe siècle et dont les vers sentaient le foin des granges et le linge frais !
N’hésitons pas à le dire : c’est une perte. Fagus était l’un des plus authentiques poètes d’aujourd’hui et c’était un brave homme.
Il n’avait qu’une faiblesse — hélas ! qui n’en a pas ? — il était royaliste. À part cela, le meilleur homme du monde. Fonctionnaire à l’Hôtel de Ville, on pouvait le rencontrer tous les jours à midi aux environs du carrefour de Buci. C’est là qu’il venait trinquer, très démocratiquement, sur le comptoir, avec des ouvriers, des employés, de braves gens dont il appréciait le bon sens et la finesse.
Souvent on le voyait en compagnie de Paul Léautaud, le secrétaire au Mercure de France, l’ami des bêtes, l’homme qui scandalise les moins moraux par le cynisme de ses écrits. Léautaud allait faire provision de mou pour ses chats ou de croûtes pour ses chiens, et Fagus l’accompagnait. Croyant très sincère, le poète traitait bien souvent Léautaud de mécréant, mais c’était avec un bon sourire d’amitié et les deux hommes, au surplus, s’entendaient toujours sur les questions littéraires.