- Gilbert Charles, extrait de « Les tendances de la jeune poésie », Le Figaro, 16 avril 1922, p. 1 :
Le poète Fagus est un lyrique, curieux et émouvant. Il a entrepris d’édifier une œuvre énorme, sous ce titre général : Stat crux dum volvitur orbis. C’est dire son dessein. Dans l’université écoulement des choses et la giration des mondes, le poète attache son espoir à la croix : Ave crux, spes unica, s’écrierait-il, volontiers. Personne n’a rendu mieux que lui le frémissement des passions et la palpitation des astres. Il est tout soulevé par un lyrisme cosmique et prophétique. Et puis, M. Fagus est le plus singulier des hommes. Il personnifie toute une race poétique qui est en train de disparaître : celle des bohèmes. Il ne sait trop où il loge et il affirme même assez volontiers qu’il n’a pas de domicile fixe. Que lui importent en vérité ces viles contingences ! Il vit dans la contemplation idéale des plus belles choses qui soient sur terre, je veux dire les beaux, vers. Sa figure ronde encadrée d’une barbe blonde sourit avec bonté sous un étonnant chapeau dont feu M. Alexandre Duval était un des derniers défenseurs. Une courte pèlerine flotte sur ses épaules et de sa bouche sortent des paroles violentes et éloquentes. Il connaît tous les poètes de France, en parle avec amour et science. Au fond de son cœur il doit préférer Villon.
Tant il y a que Fagus est un très noble poète qui aime passionnément les Lettres. C’est un sentiment qu’elles lui rendent bien. Les Muses ont dû se pencher sur son berceau avec un tendre et amical sourire.