- André Salmon, extrait de « 1903-1913 », Gil Blas, 26 août 1913, p. 4 :
En 1903, Fagus publiait Ixion. On connaît mal Fagus, qui va célébrer ses noces d’argent de bureaucratie. C’est ce qu’on nommait jadis « un personnage singulier ». A coup sûr, c’est un vrai poète. Anarchiste en 1903, il est, aujourd’hui, monarchiste ; il est d’abord un mécontent ; aussi, beaucoup le déclarent-ils ennuyeux. Les lamentations font horreur, mais Fagus ne pleure pas sur lui-même. S’il est de plus grands poètes, nul n’est poète comme lui. Il fuit les centres d’art et, le verre en main, entre une séance à la Nationale et une heure de bureau, fraternise avec les cochers ou les maçons, chez un bistro. Un petit coup de « vin de pays » suffit à le mettre en goût de célébrer nos provinces. Il a mauvais caractère ; il a tort de tout prendre au sérieux, mais, enfin, faut-il lui faire à ce point grief de s’indigner quand d’autres sourient, si les raisons de se désoler sont aussi valables en 1913 qu’en 1903 ?
Oui, mais Fagus eut le tort de méconnaître nos bonnes raisons de rire. Peut-être est-ce parce qu’il ignore trop de ses plus vrais amis. Associons-nous, en terminant, à ceux qui célèbrent, fêtes que préside la plus morne ironie, conviée par le poète, les noces d’argent de ce petit homme aux yeux rougis, dont vingt-cinq ans de bureau n’ont pas suffi à ruiner l’ardeur lyrique.